Voici un article d'un journaliste américain pour les Républicains de son pays.
Je trouve que ce texte conviendrait parfaitement à la droite française. C'est pourquoi, je le propose à votre sagacité habituelle.
ÉTATS-UNIS • Les républicains en pleine dépression
Un ancien conseiller de Bill Clinton s’improvise psychologue et donne des conseils aux conservateurs, désemparés par leur défaite face à Obama.
«Les propos les plus marquants de cette élection 2012 ont été tenus par la première dame, Michelle Obama : “Etre président ne vous change pas, mais révèle qui vous êtes.” Le fait d’être candidat aussi. C’est dans l’adversité que l’on voit le caractère d’une personne et le président Obama qui a dû faire face à une dépression économique dès les premiers jours de son mandat et à un ouragan dans les derniers jours, a montré son caractère. Avec son équipe tenace, douée, remarquable, il a accompli un quasi-miracle : remporter un deuxième mandat sans pouvoir s’appuyer ni sur la paix ni sur la prospérité.
Je veux m’adresser ici à mes amis républicains. Comme disait un autre président qui vous rendait fou [Bill Clinton] : “Je ressens votre douleur”. Pour vous aider, moi, le psychologue de campagne, le Dr Paul, je vais vous expliquer les cinq étapes du deuil politique. Ne vous inquiétez pas pour l’argent, je serai remboursé par l’assurance-maladie parce que : a) la réforme du système de santé d’Obama ne sera jamais abrogée ;
b) la défaite du Parti républicain était une “condition préexistante”. [Grâce à la réforme du système de santé, les assurances ne peuvent plus refuser de couvrir les patients avec des antécédents médicaux.]
Premier stade : le déni. En ce moment, vous êtes en train de nier votre défaite. Arrêtez. Vous avez perdu. Vous avez vraiment perdu. Le scrutin n’a pas été truqué (d’ailleurs, les machines à voter semblent toutes appartenir à des gens de droite). Les médias n’ont pas mâché le travail à Obama : après tout, Fox News, la première chaîne câblée d’information, est de droite. The Wall Street Journal, le quotidien numéro un, penche à droite (et appartient au type qui est propriétaire de Fox News). Les trois talk-shows radiophoniques les plus écoutés du pays sont animés par des personnalités très à droite. Quand on contrôle ainsi les plus grands médias, il est temps d’arrêter de dénoncer le parti pris des médias en faveur de la gauche.
Je sais que vous n’arrivez pas à croire à votre défaite. La deuxième contre Obama. Je ne peux qu’imaginer à quel point c’est humiliant et déconcertant. C’était déjà assez nul de ne pas avoir réussi à battre le “Kényan-musulman-marxiste” en 2008 ; cette fois, vous n’avez même pas pu battre un Kényan-musulman-marxiste qui est encore en train de se dépêtrer de la pire crise économique que le pays ait jamais connue.
Deuxième stade : la colère. C’est mon stade préféré. Je sais que vous êtes en colère, mais contre qui ? Mitt Romney ? Ce serait un bon début. Même s’il a été brillant le temps d’un débat, il a surtout été peu convaincant et coincé pendant toute la campagne. Mais vous le saviez quand vous l’avez désigné. Pour votre gouverne, la seule chose qui soit pire que d’être un président en exercice en période de chômage élevé, c’est d’avoir été un PDG qui a licencié des milliers de personnes. Si vous étiez malins, c’est à votre base que vous devriez en vouloir. Bien sûr, elle est très militante, mais cela vous plombe auprès des électeurs modérés. Elle favorise des candidats qui croient au “viol légitime” et pensent qu’une grossesse résultant d’un viol est un don de Dieu. Vous vous sentiriez peut-être mieux si vous vous en preniez à la gauche. Mais elle a fait son boulot, elle a gagné. C’est votre base qui vous a laissé tomber. Le voilà le vilain petit secret : si votre base est de plus en plus fanatique mais de moins en moins nombreuse, ce n’est plus une base, c’est un groupuscule.
Troisième stade : la négociation. Voilà qui pourrait vous mener quelque part. Commencez à négocier avec les électeurs que vous vous êtes aliénés. Les présidents Reagan et George W. Bush – tous deux de droite – ont permis au Parti républicain d’antan d’adopter la position fortement pro-israélienne qu’il défend aujourd’hui ; et ils ont récolté les voix de certains Américains favorables à Israël qui votaient démocrate auparavant.
Négociez donc avec les Latinos : arrêtez de diaboliser les sans-papiers, déclarez-vous pour une réforme globale de l’immigration, comme avant. Négociez avec les jeunes : arrêtez de supprimer les bourses d’étude, d’interdire le financement de la contraception, de diaboliser les gays – d’ailleurs, soutenez le mariage pour tous.
D’accord, je suis moi-même en train de négocier avec vous, ce que je ne suis pas censé faire. Je comprends que le Parti républicain ne puisse pas devenir un parti progressiste. Mais vous devez vous adapter à l’électorat montant. Regardez la réalité en face : aujourd’hui, on n’est plus dans les années 1950 que vous regrettez tant (pour certains membres de l’aile droite, ces années 1950 sont d’ailleurs les années 1850). Latinos, Africains-Américains, jeunes, femmes célibataires : voilà les principaux piliers de la majorité d’Obama. Pourquoi ne pas lui enlever un de ces piliers ? Ronald Reagan a établi le dialogue avec des ouvriers syndiqués, souvent des minorités, et a donné le jour aux démocrates pro-Reagan.
Quatrième stade : la dépression. C’est une étape inutile. Je sais que vous voulez panser vos blessures, mais personne ne vous suivra si vous restez allongés sur vos hamacs en gémissant sur la descente aux enfers du pays. Montrez-vous compétents. Mettez en place un programme à long terme avisé et modéré pour réduire le terrible déficit que vous avez contribué à créer avec vos colossales réductions de l’impôt pour les riches, deux guerres et une récession. Au lieu de déprimer, travaillez pour nous sortir de la situation où vous nous avez plongés.
Cinquième stade : l’acceptation. Plus vous en viendrez rapidement à ce stade, mieux ce sera. Les électeurs vous ont rejetés. Vous ne leur plaisez pas, tout simplement. Eux, ce sont les jolies pom-pom girls et vous, les méchants gothiques. Ils ne voudront jamais sortir avec vous, surtout si vous continuez à être aussi désagréables avec eux. Reconnaissez que vous aviez une chance historique et que vous l’avez laissée passer. Reconnaissez que, avec la pire conjoncture économique que le pays ait connue depuis près d’un siècle, vous n’avez pas réussi à faire ce qu’un Ronald Reagan et un Bill Clinton ont fait pendant une crise moins grave : battre un président sortant.
Et reconnaissez que vous devez changer. Sans compter que vous avez une équipe de réserve formidable : Chris Christie [le gouverneur du New Jersey], Mitch Daniels [le gouverneur de l’Indiana], Jeb Bush [l’ex-gouverneur de Floride et frère de George W. Bush], Marco Rubio [sénateur de Floride au Congrès de Washington], etc. Et pourquoi pas le seul candidat républicain qui se soit présenté aux primaires du parti en 2012 et qui n’ait jamais été en tête : Jon Huntsman ? Huntsman a été gouverneur, homme d’affaires et ambassadeur [en Chine]. Il parle le mandarin et la langue des modérés, et pourrait récolter un paquet de suffrages démocrates. Mais vous pouvez aussi rester dans le déni et présenter en 2016 un tandem extrémiste idiot pour perdre contre… Eh bien, n’importe qui !»
The Daily Beast - Paul Begala