Réflexion sur les "Gratuits"
Ce texte date de l’année dernière. Je suis retombé dessus par hasard et j’ai décidé de le mettre en ligne. Il date un peu, mais je pense qu’il est toujours d’actualité.
Curieux titre que celui du journal Métro du vendredi 6 avril 2007 (n°1143) pour la ville de Paris.
« Curieux accident en gare de l’est »
Pourquoi « curieux » ? S’agit-il d’un fait si improbable que l’on imaginait même pas qu’il puisse arriver ? Une force obscure, occulte ou terroriste serait-elle derrière un tel événement ? Al Quaïda, section SNCF est-elle passée à l’action ? Nous cache-t-on quelque chose sur ce drame ?
Ah ! Tien, non. Le sous-titre annonce :
« Un train heurte un butoir hier matin, faisant 71 blessés légers. »
Un train qui ne s’arrête pas. En voilà une nouveauté ! Au début du siècle, il y a même une locomotive qui a continué sa route pour finir dans la rue.
C’était à la gare Montparnasse…
Dans le cas cité par Métro : « Le système de freinage serait en cause. »
Rien de bien exceptionnel, en somme, ni de bien « curieux ». Demandez à n’importe quel
agent travaillant à la SNCF. Le pire est même encore à venir, si on va dans ce sens là. Surtout quand on sait ce qu’est devenu le chemin de fer anglais après la privatisation…. Attendons
2012 !
Du coup je m’intéresse à la première page de ce journal dans son ensemble. Qu’y vois-je ? Trois titres, qui regroupent les trois principaux thèmes qui préoccupent le plus les français.
Dingue, ça ?
L’emploi : « Le plein d’embauche en 2007 »
La sécurité : « Curieux accident en gare de l’est »
L’environnement : « Nature, attention danger ! »
Je vois des personnes faire les poubelles pour obtenir un exemplaire d’un de ces gratuits, comme des camés en manque d’information… je me pose des questions. Le journal est gratuit, il est distribué en quantité impressionnante et un peu partout, mais les gens font quand même les poubelles ou ramassent des exemplaires froissés et salis ! Il est même conseillé dans le journal de faire passer son exemplaire à son voisin !
Et je me suis souvenu de ma propre attitude lors de l’apparition de ces journaux. Content de ne pas payer pour avoir une information quotidienne et frustré quand je ne trouvait pas ma dose d’info.
Au début, on nous a vanté le produit comme un moyen d’avoir une information « brute ». Je trouvais l’idée excellente. Une sorte de condensé de dépêches, accessibles à tous et qui permet, ensuite, à chacun de se faire une opinion. Sa propre opinion.
Mais un titre comme « Curieux accident … » n’est pas neutre.
Lancer un produit gratuit sur un marché est une vieille combine bien connue des économistes et même des dealers de drogues. Au début, on donne le produit, une fois que le public visé ne peut plus s’en passer, on se met à le vendre. L’effet est double : détruire la concurrence qui ne peut pas lutter contre vous et dominer un marché jusqu’au monopole.
Sous prétexte de liberté et de démocratie, les bonnes gens crient haut et fort que cela est une bonne chose, qu’elle est même nécessaire et que les conséquences ou la manière dont ce faux pluralisme s'installe n'a en fait que peu d'importance.
Pourtant, le pluralisme est fondamental pour que la démocratie soit une réalité.
Mais dans le cas présent, les « gratuits » ne deviendront peut-être pas payant…. Mais à coup sûr, ils deviendront les seuls.
Quand on achète « Libération », « Le Figaro » ou « Le Canard Enchaîné », on sait où l’on met les pieds. Avec les « gratuits », on pense savoir où l’on va.
Il y a toujours une question que je me pose et à laquelle je me demande si je ne connais pas la réponse, c’est : Qui paye ? D’où vient l’argent ?
C’est bien gentil de dire que c’est gratuit. Mais jusqu’aux dernières nouvelles nous vivons dans un système capitaliste qui a des règles bien précises, basées pour l’essentielle sur la notion de l’offre et de la demande. Qui paye les journalistes qui écrivent les articles, les photographes, les comptables et les administratifs qui vont payer les deux premiers d’ailleurs… L’imprimeur, les transporteurs, …etc… etc… etc ? On nous dit que c’est la publicité. Mais laquelle ? La publicité officielle ou celle plus cachée qui devrait porter la mention « publi-information » mais qui n’apparaît jamais. Que valent ses « informations » que les grands groupent vendent à travers des reportages « clés en mains » vantant les mérites et les qualités de leurs produits ou simplement de leur marque ?........
Quand il n’y aura plus que des « gratuits », qui nous parlera des potentiels risques des OGM. Qui dénoncera les abus du gouvernement ou les détournements de fonds opérés par ces multinationales ? Qui nous dira que nos libertés fondamentales ont disparues… ????
En feuilletant le journal Métro, nulle part n’apparaît les mentions dites : légales. Composition de la rédaction, coordonnées du journal, de l’éditeur, de l’imprimeur…
Bêtement je croyais que ces informations étaient obligatoires.
Du coup, quelle est la valeur objective de l’information qui est délivrée ?
Dire ce n’est pas dire. Derrière ce qui est dit, il faut toujours voir ce qui est caché, ce que l’on veut nous faire croire… Pire, ce que l’on veut nous faire penser !