Courte, mais exemplaire
Je fréquente assidûment un établissement de commerce de détail dont le nom aux consonances anglophones vante la facilité d’y faire ses courses. Le personnel y arbore des vestes à la couleur criarde qu’un canari hépatique ne renierait pas. Sur ces vêtements, sensés frapper l’œil du consommateur moyen, est écrit un petit texte clair mais qui ouvre en moi un abîme de perplexité. Il est écrit : « Posez-moi toutes vos questions »
Diantre ! Toutes mes questions ? On va y passer un moment et je ne sais si la durée légale du temps de travail me permettra, non seulement de les poser toutes mais d’en recevoir une réponse !
Vous voyez comme le problème se posait à moi dans toute son immensité abyssale ? Après réflexion, je me dis que poser une question serait déjà un bon début ! Mais surgissait alors un autre souci tout aussi perturbant : quelle question posée ?
Un jour, quand même, n’y tenant plus, je m’approchais d’une caissière :
- Vous permettez que je vous pose une question ?
- Mais bien sûr, je vous en prie, me répondit-elle. Je suis là pour ça.
Tout sourire, je me lançais :
- Etes-vous adepte des exercices bucco-génitaux ?
Un moment interdit, je compris rapidement qu’elle s’était leurrée sur le sens de ma question, au demeurant très généraliste. Elle m’asséna, non point un général, mais une gifle retentissante et appela le directeur du magasin. Celui-ci s’empressa de contacter la police nationale quand il eut vent de l’affaire. Sans ménagement je fus conduit au poste où j’endurais, après bien d’autres, les affres de la promiscuité et de la fouille rectale.
Je fus ensuite conduit manu militari au tribunal pour une comparution immédiate à la hauteur de mon forfait verbal.
Heureusement, je tombais sur une juge compréhensive qui, la chose étant rare il est important de le noter, pris le temps d’écouter intégralement mon plaidoyer. Saisissant la méprise dont je fus à la fois le coupable ignorant et la victime expiatoire, elle me condamna à quinze jours de travaux d’intérêt général et à verser un euro de dommages et intérêts au bénéfice de la caissière trop prompte à réagir.
Je pus enfin rentrer chez moi où je me servais un whisky bien tassé afin de méditer la mésaventure qui venait de me frapper.
J’en arrivais rapidement à la conclusion définitive qu’il ne faut pas croire tout ce que l’on peut lire. Et depuis, même lorsque je suis perdu dans les allées d’un magasin à la recherche d’un produit plus difficile à trouver qu’une retraite au taux plein de la sécurité sociale, je me garde bien de demander quoique ce soit aux vendeurs, me gardant même de leur jeter le moindre coup d’œil de peur qu’ils se sentent agressés dans leur intégrité physique.
C’est ainsi, je n’y peux rien !
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