Pierre Desproges, 20 ans déjà
Pierre Desproges est mort deux fois. Une première fois bouffé par cette saloperie de crabe qu’il aimait tant défié et une seconde fois par les maîtres de la rigueur, les donneurs de leçons et les constipés du cortex.
Mon cher Pierre. Tu permets que je te tutoie et que je t’appelle « mon cher Pierre », toi qui détestait tant ça. Je t’ai pleuré il y a 20 ans et je te pleure à nouveau en entendant le discours de circonstances de ces nouveaux prosélytes de la novlangue, bouffis de suffisance, qui t’élèvent en héraut de l’humour alors qu’ils te méprisaient de ton vivant.
Tu faisais rire intelligemment en mettant le doigt et le verbe là où ça leur faisait mal, leur montrant leur ignorance crasse et leur morgue assassine.
La grande question est de savoir qui peut te remplacer aujourd’hui. Mais tu le sais mieux que personne, les cimetières sont remplis de gens indispensables. On ne remplace pas un Pierre Desproges, comme on ne remplace pas un Pierre Dac. Au mieux on s’en inspire….
Aujourd’hui, tu ne ferais pas carrière, mon pauvre vieux. Tu permets que je t’appelle "mon pauvre vieux" ? Aujourd’hui, on te traînerait dans la boue et on te dirait antisémite. La puissance de tes mots dénonçait la connerie humaine et sa stupidité congénitale à vouloir tout régenter. Monsieur Desproges, vous étiez un anarchiste de droite… Et rien que le terme m’amuse. Te mettre une étiquette, c’est comme vouloir coller un « norvegian blue » sur le perchoir d’une cage pour le vendre à un client qui ressemblerait férocement à John Cleese !!!!!
Aujourd’hui, le rire est gras, le rire est gros. L’absurde et le non-sens ont disparu à cause des mal-comprenants, comme tu le disais si bien. A l’époque tu disais que l’on pouvait rire de tout mais pas avec n’importe qui. Aujourd’hui, la question est : peut-on rire de tout ??
Mais si on ne peut plus rire de tout, c’est qu’on ne peut plus rire de rien….
Monsieur Desproges, je devrai vous condamner à revenir sur Terre pour montrer à tous ces imbéciles ce qu’ils sont vraiment. Mais vous seriez crucifié sur l’autel du politiquement correct. Je te laisse donc en compagnie des Dac, des Allais, des Hasek, des Jérôme K. Jérome et de tant d’autres dont j’oublie le nom et qui n’ont jamais rien fait d’autre que de dénoncer les travers de leurs concitoyens sans pour autant les détester vraiment.
Au fait, de là où tu es, peux-tu me dire si la pharmacie Lopez, à Santiago du Chili, sera de garde samedi prochain ???